Par Dr Mark Atkinson, médecin en médecine intégrative, conseiller médical chez LiveHelfi et cofondateur de The School of Biohacking
Après plus de vingt ans en médecine intégrative, j’ai appris quelque chose qui pourrait vous surprendre : les patients qui transforment vraiment leur santé ne sont pas forcément les plus motivés. Ce ne sont pas non plus ceux qui lisent tous les livres de santé ou suivent les dernières tendances.
Ce sont ceux qui ont compris comment travailler avec leur biologie, et non contre elle.
Je vois souvent le même scénario : quelqu’un décide de complètement changer de vie — nouvelle façon de manger, nouvelle routine sportive, pratique de pleine conscience, tout à la fois. Trois semaines plus tard ? Ils en sont revenus au point de départ, parfois avec un sentiment d’échec.
Voici la vérité : il ne s’agit pas de volonté. Et ça ne l’a jamais été.
Pourquoi votre cerveau résiste au changement (même positif)
Je me souviens qu’au début de ma pratique, je me sentais frustré lorsque des patients ne suivaient pas mes recommandations, alors que je croyais fermement qu’elles pouvaient les aider. « S’ils comprenaient la science », pensais-je, « ils le feraient. »
Il s’avère que je passais à côté de quelque chose d’important. Les chercheurs de l’Alan Turing Institute l’ont très bien résumé : les faits ne changent pas les esprits. Du moins, pas à eux seuls.
Le cerveau a un objectif principal : vous maintenir en vie. Et, pour lui, ce qui est familier est synonyme de sécurité. Même si ce « familier » signifie se sentir fatigué, stressé ou déséquilibré. Un changement, même positif, peut être perçu comme une menace potentielle.
Dans ma pratique, je vois souvent cela : un patient me dit « Je sais que je devrais être plus actif, mais… » ou « J’ai acheté tous ces compléments, mais j’oublie toujours de les prendre. » Ce « mais » n’est pas de la faiblesse. C’est votre système nerveux qui fait exactement ce pour quoi il est conçu : maintenir la stabilité.
Le National Institutes of Health a étudié ce phénomène dans le cadre de son programme Science of Behavior Change. Les résultats sont fascinants : un changement durable repose sur trois systèmes clés — votre capacité à vous autoréguler, votre manière de gérer le stress et vos connexions sociales.
Lorsque l’un de ces systèmes est fragilisé — par exemple à cause d’une fatigue persistante, d’une baisse de moral ou d’un sentiment d’isolement — le changement devient plus difficile. Pas impossible. Simplement plus difficile.
Le changement d’identité qui change tout
Voici le point le plus intéressant : il est possible de changer. Je l’ai vu de nombreuses fois. Mais les changements qui durent ne consistent pas simplement à ajouter de nouveaux comportements à votre vie. Ils concernent le fait de devenir quelqu’un de différent.
La Templeton Foundation a découvert que le changement durable se produit lorsque trois éléments sont alignés : vous croyez que le changement est possible, vous êtes soutenu(e), et — surtout — votre perception de qui vous êtes commence à évoluer.
J’ai vu des patients passer de « J’essaie de mieux manger » à « Je suis quelqu’un qui prend soin de ce qu’il mange ». Cela semble subtil, non ? Pourtant, ce glissement d’identité — du « j’essaie » au « je suis » — change tout. Vos actions découlent alors de qui vous êtes, et non plus seulement de ce que vous pensez devoir faire.
Commencer petit, c’est la clé
C’est là que beaucoup se trompent. Ils visent trop grand. Version « résolution du Nouvel An » : « Je vais méditer 30 minutes tous les matins, faire du sport cinq fois par semaine et changer complètement mon alimentation. »
Votre cerveau entend ça et répond : « Absolument pas. »
BJ Fogg, qui a développé la méthode Tiny Habits à Stanford, l’a compris. Il a créé une formule simple : Comportement = Motivation + Capacité + Déclencheur. La plupart des gens essaient de changer un comportement en augmentant leur motivation. Mais la motivation est instable. Elle va et vient.
À la place, Fogg propose de rendre le comportement si petit que la motivation devient presque inutile.
Dans ma pratique, je pourrais dire à une personne qui veut commencer à prendre des compléments : « Placez votre capsule de magnésium à côté de votre brosse à dents. Après vous être brossé les dents le soir, prenez-la. C’est tout. »
Ou, pour quelqu’un qui veut méditer : « Après vous être assis devant votre ordinateur le matin, prenez une respiration consciente centrée sur le cœur tout en ressentant de la gratitude. »
Vous pensez peut-être : « Une seule respiration ? Un seul complément ? À quoi bon ? »
Le but, c’est l’élan. C’est de créer la connexion neuronale qui dit : « Je suis quelqu’un qui tient ses engagements envers lui-même. » Commencez là. Le reste suivra.
La biologie du changement comportemental
Voici un aspect souvent oublié : votre capacité à créer de nouvelles habitudes n’est pas seulement psychologique — elle est aussi liée à votre état physique.
J’ai accompagné des patients qui faisaient tout « correctement » — petites habitudes, identité claire, bons systèmes — mais qui avaient toujours du mal. En creusant, nous trouvions souvent des éléments comme un manque de régularité dans l’énergie, une mauvaise qualité de sommeil ou un système nerveux en état d’alerte permanent.
Votre cortex préfrontal — la partie du cerveau impliquée dans la prise de décision et l’autocontrôle — peut être influencé par votre état physique. Un sommeil perturbé, des variations d’énergie ou un stress constant peuvent rendre la constance plus difficile.
C’est pourquoi je commence souvent par les bases : soutenir une énergie stable grâce à une alimentation équilibrée, encourager des techniques de relaxation et aider à améliorer l’environnement de sommeil. Parfois, une personne a besoin d’une routine du soir apaisante avant de pouvoir se mettre à méditer. Parfois, elle doit trouver un rythme quotidien plus régulier avant qu’un programme alimentaire précis devienne durable.
Comment j’aide mes patients à concevoir un changement durable
Au fil des ans, j’ai développé une approche simple qui fonctionne. Non pas parce qu’elle est révolutionnaire, mais parce qu’elle est réaliste.
D’abord, nous clarifions l’identité. Pas les objectifs — l’identité. Qui voulez-vous devenir ? Quelqu’un qui priorise son bien-être ? Quelqu’un qui honore ses engagements ?
Faites-le ressentir, pas seulement penser.
Ensuite, nous commençons petit. Très petit. Mais nous l’ancrons à quelque chose que vous faites déjà régulièrement : « Après avoir versé mon café du matin, je prends mon Lion’s Mane. » « Après avoir vérifié mes e-mails, je fais cinq squats. » « Après m’être brossé les dents, j’écris une chose pour laquelle je suis reconnaissant(e) et je laisse la gratitude m’envahir. »
La clé, c’est la constance, pas l’intensité. Vous ne construisez pas une habitude temporaire ; vous bâtissez la preuve que vous êtes le genre de personne qui suit ses engagements.
Enfin, nous concevons pour le succès, pas pour la perfection. Un jour manqué n’est pas un échec, c’est un retour d’information.
Ce que j’ai appris en deux décennies
Les personnes qui transforment vraiment leurs routines ne sont pas celles qui ont le plus de volonté ou de connaissances. Ce sont celles qui se traitent avec bienveillance tout en restant engagées dans leur croissance.
Elles comprennent que le changement est une compétence qui se pratique. Elles savent que de petites actions, répétées régulièrement, s’accumulent en résultats significatifs. Elles travaillent avec leurs rythmes naturels, pas contre eux.
Et surtout, elles passent du « j’essaie de changer » à « je suis la personne qui vit différemment ».
Votre santé n’est pas seulement un ensemble de marqueurs biologiques ou un chiffre sur une balance. C’est une pratique quotidienne d’alignement avec la personne que vous êtes en train de devenir. Et lorsque vous abordez le changement avec la bonne compréhension, du soutien et de la patience envers vous-même, il cesse d’être une contrainte pour devenir un mouvement naturel.
C’est là que la transformation devient non seulement possible, mais inévitable.
Resources
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Templeton Foundation: Can People Really Change?
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Science of Behavior Change (NIH): scienceofbehaviorchange.org
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Alan Turing Institute: Facts Don't Change Minds
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Fogg, BJ. Tiny Habits: The Small Changes That Change Everything
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Clear, James. Atomic Habits: An Easy & Proven Way to Build Good Habits & Break Bad Ones